on n'est pas le meilleur quand on le croit mais quand on le sait
"Les enfants, allez vite vous préparer, le patron de papa va bientôt arriver !". J'ai grandi à Fordwich, un petit village anglais d'à peine trois-cent habitants. Papa était chercheur en astrophysique et maman biochimiste. Autant vous dire que nous n'avons jamais manqué de rien. Nous vivions d'ailleurs dans une jolie maison, dont le terrain s'étendait sur des centaines d’hectares. Mon enfance a été bercée par la nature et le calme de la campagne. Je crois que je n'aurais pu rêver mieux.
"Alors Erin, ta maman m'a dit que tu étais première de ta classe, cette année ?". Mes parents nous avaient inscrit dans la meilleure école privée du pays. Ma petite sœur, Alice, avait un peu du mal avec le fait d'être loin de papa et maman les jours de la semaine, puisque nous étions dans un internat, à Taunton. Vieille tradition familiale d'étudier là-bas... D'ailleurs, c'était dans cette école que mes parents s'étaient rencontrés. Jacob, mon cadet, et moi, étions plutôt fiers de perpétuer la tradition. Taunton était la meilleure école privée du pays et nous nous devions de rapporter à la maison, un bulletin scolaire exemplaire.
"Tu feras de grandes choses, ma fille". J'avais des facilités, tout le monde le savait, mais je travaillais dur pour rendre mes parents fiers. Ma mère avait tendance à vouloir me décrocher un peu de mes livres de cours, tandis que papa me poussait à toujours m'améliorer. La vérité était telle que je vivais dans la peur. La peur constante d'échouer. Lorsque j'y repense, j'ai la conviction que mon résonnement était assez stupide, puisque j'avais constamment les félicitations de mes professeurs, mais je savais que ce n'était pas suffisant. Il fallait que je sois la meilleure. Tout le temps. Pas question d'échouer. Alors, lorsqu'à la fin du secondaire j'ai été élue major de ma promotion, j'ai compris que c'était ça mon but. Ces sourires fiers sur les visages de mes parents, c'était très certainement la plus belle récompense.
recommencer à zéro ? personne n’a cette chance.
A dix-huit ans, je quittais Fordwich pour Londres. Ce fut un grand changement, aussi bien pour moi que pour ma famille. Alice était en pleures, lorsque je faisais mes au revoir, sur le quai de la gare. Jacob lui, ne voulait pas montrer sa tristesse, mais je savais, qu'au fond, il était aussi anéanti que notre sœur. Mon père se contenta de me donner de l'argent et ma mère me serra fort dans ses bras.
"Fais attention à toi", m'avait-elle soufflé, le cœur lourd, alors que je montais enfin dans ce train, qui m'emmena loin de tout ce que j'avais connu jusqu'à présent. Mes parents avaient largement de quoi me payer le luxueux petit appartement où je logeais. En contrepartie, je me devais de ramener de bonnes notes. Alors, j'ai passé les trois premiers mois enfermés chez moi, ne sortant que pour me rendre à l'université ou à la bibliothèque. Je crois qu'au fond, c'était simplement une excuse pour être confrontée le moins possible à cette ville qui m'était étrangère. J'étais terrifiée par ce qui m'entourait. Le bruit, les gens, la vie en ébullition. Je n'en avais pas l'habitude et j'ai eu un long temps d’adaptation... Enfin, jusqu'à ce que je rencontre Lucy. Etudiante en médecine, tout comme moi, cette fille était mon opposé. Elle était assez excentrique et ses tenues plus vives les unes que les autres me laissaient pantoise. Et pourtant, une fois Lucy dans ma vie, tout a changé. Elle m'a fait sortir, prendre l'air et surtout, découvrir la vie estudiantine dans toute sa splendeur. C'est à cette époque que j'ai rencontré Marcus, celui qui allait devenir, mon premier petit copain. J'étais amoureuse de lui et tellement aveuglée par mes sentiments que je n'ai pas vraiment compris ce qui m'arrivait le jour où il m'a quitté. Je lui avais tout donné, mon amour, mon cœur et même mon corps... Lucy a passé deux semaines à mon chevet, pour sécher mes larmes qui ne cessaient de couler.
"Ça fait mal, mais ça passera. J'te jure que ça passera...", ne cessait-elle de me dire. Et elle avait raison. Un coeur brisé finit toujours par guérir. Et c'est ce qu'il s'est passé.
participer à quelque chose de spécial peut vous rendre spécial.
"J'vais chercher à boire, bouge pas !". Lucy s’éclipsa tout aussi vite qu'elle m'avait parlé et je me retrouvais seule. Ça ne me dérangeait pas tant que ça, puisque les quelques personnes dansant au milieu du salon m'offraient un spectacle assez drôle. Nous étions le premier janvier... Nous fêtions la nouvelle année dans un joli petit appartement... dont je connaissais à peine le propriétaire. Mais Lucy n'avait accepté l'idée que je passe le passage à la nouvelle année toute seule chez moi. Du coup, j'avais fini par abdiquer et me voilà, à une fête où je ne connaissais presque personne. Lucy ne tarda pas à revenir, deux verres en plastique en main et une fois attrapé, je le portais à mes lèvres, grimaçant légèrement lorsque le liquide tatillonna mes sens. Ce devait être de la tequila ou un alcool fort dans le genre, je n'étais pas assez experte en la matière pour savoir exactement de quoi il s'agissait... Et peu importait. J'avais conscience en Lucy et je n'étais pas d'humeur à me prendre la tête pour une broutille. Pour une fois, je voulais me laisser aller. Faire tomber les barrières que je me posais constamment. Pour l'occasion, j'avais enfilé une robe noire, assez courte et plutôt moulante, veillant tout de même à garder une certaine tenue. Pas question de me pointer quelque part en mini jupe et talons de quinze centimètres. Les copines de Lucy avaient tendance à un peu se foutre de moi, mais je m'en fichais un peu. Peut-être que je semblais vieux jeu, mais au moins, je gardais une certaine dignité.
"J'crois que tu lui as tapé dans l’œil...", sortant de mes rêveries, je posais un regard étonné sur mon amie. Elle avait le sourire jusqu'aux oreilles et ça ne présageait rien de bon.
"Quoi ?". Je n'y comprenais rien et lorsqu'elle me désigna quelqu'un derrière moi, je ne pus m'empêcher de tourner un peu la tête, mon regard tombant instantanément sur une silhouette, à l'opposé de la pièce, adossée à la cheminée. Un garçon.
"Il est plutôt mignon, hein ?". Bien sûr qu'il l'était. Ses cheveux de jais étaient un peu mal coiffés, mais ce mec avait un charme fou... Enfin, si on oubliait son allure débraillé et le joint qui pendait à ses lèvres.
"Ça fait cinq minutes qu'il te lâche pas du regard". Gênée, je détournais les yeux, reportant mon attention sur mon amie. Je sentais mes joues prendre feu et je n'aimais pas du tout ça. Ce mec était un bad boy, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure... Qu'est-ce qu'un gars comme lui pouvait trouver à une fille comme moi ?
"Dis pas de bêtises...", soufflais-je alors à Lucy, avalant une nouvelle gorgée de mon breuvage... Une gorgée qui fut suivit de nombreuses autres... et finalement, une heure plus tard, j'étais assise sur le canapé au milieu de la pièce, mes lèvres collées à celles du fameux jeune homme. Ne me demandez pas comment s'est arrivé, je ne saurais vous le dire. Tout ce que je sais, c'est que ça faisait du bien de lâcher prise pour une fois. Et lorsqu'il me souffla un doux :
"On va chez moi ?", je n'ai pas su refuser.
comme je le disais, je suis mal partie.
Bouche contre bouche. Corps contre corps. Nous étions allongés sur son lit, lui au-dessus de moi. Plus les secondes passaient et plus je me sentais perdre la tête et lorsque ses lèvres quittèrent les miennes pour se glisser dans le creux de mon cou, je repris brusquement pied avec la réalité. Non, je ne pouvais pas faire ça. Bien sûr, je n'étais plus vierge, mais là n'était pas la question. Coucher avec un inconnu parce que j'avais trop bu, ça ne me ressemblait pas. J'avais beau vouloir me lâcher, là, ça allait trop loin et instantanément, mes mains se posèrent à plat sur son torse dénudé, le décollant un peu de moi. Ses lèvres quittèrent la peau meurtrie de mon cou et ses sourcils se froncèrent immédiatement.
"Qu'est-ce qu'il y a ?". Il avait l'air un peu en colère que je le coupe dans son élan de la sorte, ce qui confirma encore plus le fait que ça allait trop loin. Il me plaisait, oui, mais je ne connaissais rien de lui, pas même son prénom ! Le poussant encore plus, je me retrouvais assise sur son lit, l'évitant soigneusement du regard.
"J'peux pas...", soufflais-je, la panique prenant peu à peu place à l'intérieur de moi. Pourquoi m'étais-je engouffrée dans un merdier pareil ? Je ne connaissais rien de se type et me voilà chez lui, au milieu de nul part.
"C'est ta première fois, c'est ça ? T'inquiètes pas, je te ferai pas mal !", me lança-t-il, alors que je me relevais du lit, remettant correctement ma robe en place. J'attrapais mes chaussures et les enfilais rapidement.
"Eh, j'te parle !". Son ton était brusque et il devait me haïr de le couper ainsi dans son élan. Mais ce n'étais pas moi. Je ne pouvais pas. Coucher avec le premier mec venu, comme ça, non, je ne pouvais vraiment pas.
"Je euh... j'dois y aller...", tentais-je de dire, ma voix presque tremblante. Je sortis alors en trombe de la pièce, me retrouvant dans un long couloir... impossible de me souvenir où était la porte d'entrée... A croire que j'avais été trop occupée à l'embrasser lorsque nous avions fait le chemin dans l'autre sens.
"Oh, calme-toi !", déclara-t-il alors qu'il débarquait sur mes talons. Il attrapa brusquement mon poignet, me faisant faire volte-face.
"Ecoute... je... c'est pas mon genre de coucher avec un mec sans le connaitre... J'suis désolée de t'avoir fait penser le contraire... j'ai trop bu ce soir... j'aurais pas dû t'embrasser... Désolée.", tentais-je de dire le plus calmement possible. Qui sait de quoi ce mec était capable ? Peut-être était-il enclin à la violence ? Il finit alors par rire et je restais stoïque face à ce drôle de garçon.
"Okay... alors déjà, primo, il est plus de quatre heures du matin, donc tu vas pas sortir dans la rue maintenant. Secundo, on est le premier, y a pas de transports en commun et tertio... j'm'appelle Natheo.". Et c'est ainsi que j'ai fait la connaissance de Natheo. Je ne sais pas trop pourquoi on a décidé de se mettre en couple, mais après quelques rendez-vous, il a fini par m'embrasser une nouvelle fois et ça a été comme une évidence. Natheo était une énigme. Ce genre de garçon au regard si sombre qu'il était impossible de réellement savoir ce qu'il pensait. J'en ai rapidement conclu que si un mec comme lui sortait avec une fille comme moi, c'était parce qu'il devait s'ennuyer dans sa petite vie de mauvais garçon et que je devais l'amuser. Ni plus, ni moins. Natheo ou le mec qui m'a fait perdre la tête. Mon parfait opposé. Si bien que je me suis bien retenue de parler de cette relation à mes parents. Je n'avais pas honte de lui, non, bien sûr que non, c'était simplement que je savais qu'ils n'approuveraient pas. C'était limite croyable que je sois tombée pour un garçon comme lui. Mais je crois que sa différence m'attirait. Le fait qu'il ne soit en rien semblable à ce que j'étais ou ce que je connaissais me rendait encore plus folle de lui que je ne l'étais.
j’ai le cœur qui va éclater...
J'étais sur le point de sortir de l'université, lorsque...
"Eh Erin, attends !". Me retournant, je tombais nez à nez avec Luka, un garçon de ma promotion avec qui j'avais un peu sympatisé. Lucy ne cessait de dire que je semblais lui plaire, mais elle se faisait des idées, j'en étais certaine.
"Luka ! Ca va ?", lui demandais-je tout en continuant mon chemin jusqu'à la sortie de l'établissement, mon camarade de classe à mes côtés.
"Oui... dis, je voulais savoir... ça te dirais qu'on bosse sur le prochain devoir à rendre ensemble ?". Je trouvais ça un peu étrange qu'il me demande ça, à moi, plutôt qu'à un de ses amis... mais je mettais cette demande sur le compte de mes facultés assez prononcées.
"Euh... oui... si tu veux...". Immédiatement, il se mit à me sourire et je ne pus m'empêcher de le lui rendre, alors qu'on passait les portes du bâtiment, les quelques rayons du soleil venant réchauffer ma peau de porcelaine.
"Ça te dérange que je prenne ton numéro ? Comme ça on pourra voir par sms quand se voir pour... pour bosser !". Rehaussant la hanse de mon sac autours de mon épaule, je commençais à lui répondre un rapide :
"oui pas de pro/", lorsque je fus rapidement coupée.
"T'es qui toi ?".
Natheo. Je levais immédiatelement les yeux au ciel, alors que Luka observait de haut en bas mon petit ami. Je n'aimais pas ce ton qu'il employait et puis d'abord, que faisait-il ici ?
"Toi, t'es qui ?", rétorqua Luka, surement pour se faire bien voir... mais il ne connaissait pas Natheo. Mon copain pouvait se montrer violent, je l'avais déjà vu à l'oeuvre et il n'y avait aucun doute sur le fait que Luka n'avait aucune chance face au brun. Alors, avant que Natheo ne prenne la parole et que ça dégénère, j'ouvrais la bouche.
"Excuse-le Luke, c'est mon copain... il est un peu malpoli parfois," disais-je, la gorge serrée, lançant un regard noir à mon petit-ami, qui me le retourna bien volontiers.
"Ah... euh... okay... j'vais vous laisser alors... salut !". C'était à peine croyable et je n'eus même pas le temps de saluer mon ami qu'il avait déjà tourné les talons. Fulminante, je me tournais vers Natheo, les quelques centimètres qu'il avait en plus ne m'intimidant pas du tout.
"C'était quoi ça ?", demandais-je durement. D'ordinaire, j'étais assez douce avec lui, prenant sur moi pour passer sur ses excès de colère ou ses habitudes qui ne me plaisaient pas vraiment... Mais le fait qu'il soit malpoli avec mes amis, pas question !
"Tu rigoles là ? Ce mec veut te baiser et toi, tu fais rien pour le stopper !". Il était en colère. Ses poings serrés, sa mâchoire tendue... il n'y avait aucun doute là-dessus.
"T'es parano, c'est juste un ami !". Il lâcha un rire, loin d'être pour autant amusé. C'était pas bon signe.
"Tu fais la maligne parce que tu fais des études de médecine, mais putain c'que tu peux être conne parfois !". Il m'énervait. Et le pire dans tout cela, c'est que je ne pouvais me résoudre à le quitter.
Je l'aimais. Malgré nos différences et le fait que je ne savais pratiquement rien sur lui, je l'aimais. Je ne le lui avais pas dit... parce que je savais que ça le ferait fuir, mais c'était le cas et chaque parole de sa part m'atteignait au plus haut point.
"Bah tu sais quoi ? La conne, elle va rentrer chez elle et oublier ton existence pour au moins deux bonnes semaines !". Je tournais alors les talons, le cœur battant à tout rompre. Je l'aimais, mais bordel ce qu'il pouvait m'énerver.
"Eh, j'suis venu pour te ramener chez toi, j'te ferais dire !", entendis-je derrière moi et je ne pris même pas la peine d'y répondre, me mêlant à la foule d'étudiants pour me rendre à la station de métro la plus proche.
Il était deux heures du matin et je n'arrivais pas à fermer l’œil. Ma dispute avec Natheo tournait en boucle dans ma tête et j'avais beau regarder mon téléphone portable toutes les deux minutes, aucun message de sa part. S'excuser ne faisait pas parti de ses habitudes et je savais que si je voulais le revoir, je devais faire le premier pas. C'est lorsque j'entendis un bruit au niveau de la porte d'entrée de mon appartement que je me tendis...
"Putain casse-toi", entendis-je au loin, me détendant immédiatement. C'était Natheo... qui s'énervait sur mon chat, comme toujours. Pauvre Clovis. J'entendis alors des bruits de pas et le grincement de la porte de ma chambre. J'étais allongée sur le côté, mon dos faisant face à la porte et je ne voulais pas qu'il sache que j'étais réveillée. J'attendis alors quelques secondes et enfin, je le sentis s'allonger à côté de moi, son torse venant se coller à mon dos, ses bras autours de ma taille. Je ne pus m'empêcher de sourire alors que ses lèvres parcouraient la courbe de mon cou, me donnant des frissons.
"J't'ai déjà dit que la clef sous le pot de fleurs, c'est une planque bidon...". Oui, il me l'avait déjà dit... et pourtant, je n'avais pas bougé ma clef pour autant... aimant le fait qu'il puisse la trouver et me rejoindre dans la nuit quand cela lui plaisait.
"Et j't'ai déjà dit que mon appart, c'est pas une auberge de jeunesse", lui lançais-je de mauvaise foi. Je le sentais sourire contre ma peau et resserrer son emprise autours de moi. Les excuses ne viendraient pas, je le savais, mais au final, l'avoir auprès de moi était beaucoup plus plaisant.